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Double diagnostic: Aperçu

Aperçu

L'expression double diagnostic désigne la coexistence, chez une même personne, d'une déficience intellectuelle et d'un problème de santé mentale.

Prévalence

La déficience intellectuelle accroît le risque d'apparition de problèmes de santé mentale au cours de la vie.

  • La déficience intellectuelle touche de 1 % à 3 % de la population.
  • De 30 % à 40 % des personnes atteintes de déficience intellectuelle connaissent, au cours de leur vie, un trouble psychiatrique ou un problème de santé mentale exigeant un traitement.

Les estimations des taux varient en fonction des types de problèmes inclus dans le « second » diagnostic. Néanmoins, une chose est certaine : de nombreuses personnes atteintes de déficience intellectuelle ont de graves problèmes de santé mentale. Voici quelques faits :

  • Selon certains chercheurs, l'incidence des troubles psychotiques serait trois fois plus élevée chez les adultes atteints de déficience intellectuelle que dans la population générale (Cooper et coll., 2007 ; Turner, 1989). Notons qu'il se pourrait que certaines études surestiment le taux des troubles psychotiques en raison de la difficulté qu'il y a à poser un diagnostic, surtout lorsque le clinicien manque de formation en matière de déficience intellectuelle (Lunsky et coll., 2006 ; Robertson et coll., 2000).
  • Une étude de grande envergure réalisée au Royaume-Uni a révélé que les troubles de l'humeur (p. ex., trouble dépressif majeur, trouble bipolaire, dysthymie, etc.) étaient trois fois plus répandus chez les personnes atteintes de déficience intellectuelle (Richards et coll., 2001). Des études comparatives ont également fait état d'une prévalence plus élevée de troubles de l'humeur chez les personnes atteintes de déficience intellectuelle que dans la population générale.
  • Les troubles anxieux (p. ex., état de stress post-traumatique, névrose d'abandon, phobie sociale et autres phobies, trouble panique et trouble d'anxiété généralisée) se rencontrent également plus fréquemment chez les personnes atteintes de déficience intellectuelle, surtout chez celles qui présentent des syndromes génétiques (Harris, 2006).

La déficience intellectuelle et les comportements difficiles

Les comportements difficiles, parfois appelés « comportements perturbateurs » ou « comportements problématiques » sont des comportements qui limitent l'accès d'une personne aux services communautaires destinés à l'ensemble de la population ou des comportements qui, en raison de leur gravité, de leur fréquence ou de leur durée, posent un risque pour la sécurité de la personne elle-même ou celle d'autrui (Emerson et Emerson, 1987).

  • Ces comportements pourraient être dus à un trouble psychiatrique sous-jacent, mais ils peuvent aussi avoir des causes physiologiques, psychiques ou sociales.
  • Chez les adultes atteints de déficience intellectuelle, la prévalence globale des comportements perturbateurs a été estimée à 22,5 % (Cooper et coll., 2007).

Relation entre la déficience intellectuelle et les problèmes de santé mentale 

La relation entre la déficience intellectuelle et les problèmes de santé mentale est complexe. Chez les personnes atteintes de déficience intellectuelle, les problèmes de santé mentale se manifestent de façon très différente et leur présentation clinique peut évoluer.

On a attribué la relation entre la déficience intellectuelle et les problèmes de santé mentale à plusieurs facteurs :

Facteurs physiologiques

Facteurs génétiques

Certains troubles génétiques à l'origine d'une déficience mentale peuvent prédisposer les sujets à des problèmes de santé mentale particuliers. C'est ainsi que les personnes atteintes de syndrome de l'X fragile ont un risque accru de développer une phobie sociale et que les personnes atteintes de microdélétion 22q11 ont un risque accru de schizophrénie.

Des études ont montré qu'au moins neuf pathologies génétiques étaient étroitement imbriquées à des problèmes de santé mentale et à des comportements difficiles (Dykens et coll., 2000).

Chimie du cerveau

Les recherches indiquent que les mécanismes chimiques du cerveau sont impliqués dans le développement de problèmes de santé mentale et des recherches récentes signalent que des anomalies de la structure cérébrale pourraient jouer un rôle dans le développement de troubles mentaux, en particulier la schizophrénie. L'altération des structures cérébrales et des mécanismes chimiques chez les personnes atteintes de déficience intellectuelle pourrait donc les prédisposer à des problèmes de santé mentale.

Susceptibilité aux maladies

Les personnes atteintes de déficience intellectuelle ont une incidence plus élevée d'affections physiques (Kerr, 2006). Or, en raison des difficultés que ces personnes ont à communiquer, il arrive souvent que leurs pathologies, non détectées, soient mises au compte de problèmes de comportement.

Les personnes atteintes de déficience intellectuelle sont davantage sujettes aux crises convulsives. Chez elles, il se peut que ces crises soient attribuables au trouble cérébral sous-jacent plutôt qu'à l'épilepsie proprement dite (Deb et Hunter, 1991a, 1991b, 1991c). Il importe donc d'envisager la possibilité de troubles convulsifs, qui pourraient être l'une des clés du comportement problématique.

Facteurs psychiques  

Le tempérament, qui est inné (p. ex., la tendance à intérioriser ses sentiments), peut contribuer au développement de problèmes de santé mentale. Certains facteurs de risque psychiques se conjuguent aux facteurs de stress de la vie courante et aux prédispositions biologiques en diminuant la capacité d'une personne à faire face aux situations stressantes. Au nombre des facteurs de risque psychiques figurent :

  • le manque de compétences sociales ;
  • le manque de facultés d'adaptation et la difficulté à trouver l'apaisement ;
  • le manque d'aptitudes en matière de résolution de problèmes ;
  • les problèmes de communication ;
  • le manque d'estime de soi.

Le stress

Le stress n'engendre pas de problèmes de santé mentale, mais il peut déclencher ou aggraver des problèmes existants. Or, les personnes atteintes de déficience intellectuelle vivent beaucoup de stress et elles ont souvent encore plus de mal à le gérer que les autres.

Facteurs sociaux       

Chez les personnes atteintes de déficience intellectuelle, les événements douloureux de la vie ont été associés au développement de problèmes de santé mentale (voir Hulbert-Williams et Williams, 2008). Des recherches semblent indiquer que les traumatismes subis durant la petite enfance (mort d'un parent ou séparation des parents, par exemple) et les événements traumatiques de l'âge adulte (décès d'un membre de la famille, perte d'emploi, etc.) pourraient engendrer des problèmes de santé mentale. Pour les personnes porteuses de double diagnostic, les conflits avec des membres de la famille – ou, si la personne vit en établissement, les conflits avec des membres du personnel ou d'autres résidents – peuvent être une grande source d'angoisse.

À cela s'ajoutent la pauvreté et le manque de soutien social. Or, les personnes atteintes de déficience intellectuelle sont davantage exposées à la pauvreté et elles sont donc plus nombreuses à vivre dans des logements inadéquats et dans des zones à forte criminalité (Robinson et Rathbone, 1999).

Sévices physiques, sexuels et émotionnels             

Les personnes atteintes de déficience intellectuelle risquent davantage d'être victimes de mauvais traitements et de négligence. Que ces personnes résident en hôpital psychiatrique ou non, elles devraient faire l'objet d'un dépistage pour antécédents de mauvais traitements.

Transition de l'adolescence à l'âge adulte      

Dans l'ensemble de la population, la transition de l'adolescence aux débuts de l'âge adulte (de 16 à 25 ans) est une période à haut risque pour les problèmes de santé mentale, et le risque est encore plus élevé chez les jeunes atteints de déficience intellectuelle (Masi, 1998). Dans cette population, c'est au début de l'âge adulte que le taux d'hospitalisation en établissement psychiatrique est le plus élevé (Lunsky et Balogh, 2010).

En plus d'être affectés par les facteurs de stress liés à la puberté, les adolescents atteints de déficience intellectuelle doivent faire face au stress qui accompagne la transition des services pour enfants aux services pour adultes. En effet, cette transition se traduit souvent par une baisse de services et par la perte du soutien qui était offert dans le cadre scolaire. La transition peut aussi mettre à rude épreuve l'ensemble de la famille.

Sources de données probantes

Bradley E. et L. Burke. « The mental health needs of persons with developmental disabilities », dans « Dual Diagnosis: An Introduction to the Mental Health Needs of Persons with Developmental Disabilities », sous la direction de D. M. Griffiths, C. Stavrakaki et J. Summers, Sudbury, ON, Habilitative Mental Health Resource Network, 2002, p. 45-79.

Cooper S., E. Smiley, J. Morrison, A. Williamson et L. Allan. « Mental ill-health in adults with intellectual disabilities: Prevalence and associated factors », British Journal of Psychiatry, 190 (1), 2007, p. 27-35.

Deb S. et D. Hunter. « Psychopathology of people with mental handicap and

epilepsy: I. Maladaptive behaviour », British Journal of Psychiatry, 159,  1991a, p. 822-826.

Deb S. et D. Hunter. « Psychopathology of people with mental handicap and epilepsy: II. Psychiatric illness », British Journal of Psychiatry, 159,  1991b, p. 826-830.

Deb S. et D. Hunter. « Psychopathology of people with mental handicap and epilepsy: III. Personality disorder », British Journal of Psychiatry, 159,  1991c, p. 830-834.

Dykens E. M., R. M. Hodapp et B. M. Finucane. « Genetics and Mental Retardation Syndromes: A New Look at Behavior and interventions », Baltimore, Maryland, Paul H Brookes Publishing, 2000.

Emerson E. et C. Emerson. « Barriers to the effective implementation of habilitative behavioral programs in an institutional setting », Mental Retardation, 25 (2),  1987, p. 101-106.

Harris J. C. « Intellectual Disability : Understanding Its Development, Causes, Classification, Evaluation, and Treatment », New York, NY, Oxford University Press, 2006.

Hulbert-Williams L. et R. P. Hastings « Life events as a risk factor for psychological problems in individuals with intellectual disabilities: a critical review », Journal of Intellectual Disability Research, 52,  2008, p. 883-895.

Kerr M. « Improving the general health of people with intellectual disabilities », Directions in Psychiatry, 26,  2006, p. 235-240.

Lunsky Y. et R. S. Balogh. « Dual diagnosis: A national study of psychiatric hospitalizations patterns of persons with developmental disability », Canadian Journal of Psychiatry, 55 (11),  2010, p. 721-728.

Lunsky Y., E. Bradley, J. Durbin, C. Koegl, M. Canrinus et P. Goering. « The clinical profile and service needs of hospitalized adults with mental retardation and a psychiatric diagnosis », Psychiatric Services, 57 (1),  2006, p. 77-83.

Masi G. « Psychiatric illness in mentally retarded adolescents: clinical features », Adolescence, 33,  1998, p. 425-434.

Richards M., B. Maughan, R. Hardy, I. Hall, A. Strydom et M. Wadsworth. « Long-term affective disorder in people with mild learning disability », British Journal of Psychiatry, 179,  2001, p. 523-527.

Robertson J., E. Emerson, N. Gregory, C. Hatton, S. Kessissoglou et A. Hallam. « Receipt of psychotropic medication by people with intellectual disability in residential settings », Journal of Intellectual Disability Research, 44 (6),  2000, p. 666-676.

Robinson E. G. et G. N. Rathbone. « Impact of race, poverty, and ethnicity on services for persons with mental disabilities: Call for cultural competence », Mental Retardation, 37,  1999, p. 333-338.

Turner T. H. « Schizophrenia and mental handicap: An historical review, with implications for further research », Psychological Medicine, 19 (2),  1989, p. 301-314.

Whiteman N. et L. Roan-Yager. « Building a Joyful Life with Your Child Who Has Special Needs », Londres, Jessica Kingsley Publishers, 2007.