Comment motiver un patient à changer de comportement
Importance de l'évaluation de la motivation du patient
Les prestataires de soins sont enclins à résoudre les problèmes, donner des conseils et inciter leurs patients à changer de comportement, mais ils ont tendance à surestimer la motivation des patients ou à en faire abstraction. Cette façon de faire va à l'encontre de l'effet recherché en poussant les patients qui ne sont pas prêts à apporter des changements dans leur vie à s'enfermer dans le mutisme, à se mettre en colère ou à se sauver.
Craignant ces réactions, certains prestataires de soins évitent d'aborder la question de la consommation de substances psychoactives avec leurs patients, tandis que d'autres se font très insistants, mais ces attitudes ont, elles aussi, un effet négatif sur la motivation des patients.
La meilleure façon d'éviter les déceptions et d'augmenter les chances que les patients changent de comportement est d'évaluer leur préparation au changement. Les interventions adaptées à l'étape de changement où se trouvent les patients contribuent à renforcer leur motivation et à favoriser le changement.
Modèle des étapes du changement
Le modèle des étapes du changement est une théorie selon laquelle les changements de comportement se font graduellement et sont souvent précédés de changements de la façon de penser.
Il est souvent plus facile d'intervenir de façon appropriée quand on envisage le changement comme une série d'étapes.
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Comment déterminer l'étape de changement d'un patient
Pour déterminer rapidement à quelle étape de changement se trouve un patient, il suffit de lui demander s'il entend réduire son utilisation de la substance psychoactive incriminée ou y mettre fin à court terme :
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(DiClemente et coll., 1991; Rohren et coll., 1994) [image is in fundamentals toolkit: "documents and media"]
Adaptation de l'intervention à l'étape de changement
Étape de la pré-intention
Parlez brièvement au patient de l'importance de réduire ou de cesser son utilisation de la substance et dites-lui que, si cela l'intéresse, vous êtes prêt à l'aider.
Étape de l'intention
Demandez au patient s'il souhaite obtenir plus de renseignements sur les divers types de traitement ou demandez-lui ce qu'il faudrait pour qu'il réduise ou cesse son utilisation de la substance.
Étape de la préparation et de l'action
Encouragez le patient, offrez-lui de l'aide et, si nécessaire, adressez-le à un programme de traitement de la dépendance à l'alcool ou à d'autres substances.
Comment aider un patient à s'orienter vers le changement
Essayez d'amener le patient à parler de sa consommation problématique de la substance en question. Il suffit de lui demander ce qu'il en pense ou s'il a déjà envisagé de réduire sa consommation. Vous l'encouragerez ainsi à parler, même s'il n'est pas prêt à envisager de changer de comportement. L'important est d'amorcer une conversation dénuée de tout jugement et de toute pression.
Pour motiver le patient, vous devrez examiner avec lui ses réponses aux questions suivantes :
- ·« Pourquoi croyez-vous que vous devriez réduire votre consommation de cette substance ou vous abstenir d'en consommer ? » – Examinez l'importance que le patient attache à réduire sa consommation ou à cesser de consommer la substance. Incitez-le à jeter dans la balance ses valeurs contradictoires, les avantages escomptés, ses priorités et sa perception du risque.
- ·« Croyez-vous pouvoir réduire votre consommation de cette substance ou vous abstenir d'en consommer ? » – Examinez la confiance du patient en sa capacité à réduire sa consommation ou à cesser de consommer la substance. Il faudra pour cela aborder la question de l'autoefficacité, amener le patient à parler de ses expériences passées et explorer les alternatives.
- ·« Quand croyez-vous que vous serez prêt à réduire votre consommation de cette substance ou à vous abstenir d'en consommer ? » – Examinez la volonté du patient de réduire sa consommation ou de cesser de consommer la substance à brève échéance. Laissez-le examiner les priorités contradictoires de sa vie et son degré d'engagement à l'égard du changement.
De façon générale, plus le patient attache d'importance à une question et plus il se sent en mesure de réussir, plus il sera motivé à s'engager à changer de comportement.
L'ambivalence à l'égard du changement
Un certain degré d'ambivalence du patient à l'égard de l'importance du changement de comportement, de sa capacité à opérer ce changement et de sa disponibilité au changement est inévitable.
L'intérêt que manifeste le patient pour le changement et son ambivalence à cet égard dépendent de l'étape de changement où il se trouve :
Étape de changement | Intérêt à l'égard du changement | Degré d'ambivalence |
Pré-intention | faible | faible |
Intention | croissant | maximum |
Préparation/Action | marqué | faible |
- ·C'est lorsqu'un patient n'est pas du tout disposé à opérer un changement de comportement (pré-intention) ou qu'il est résolu à changer (action) que son degré d'ambivalence est le plus faible.
- ·Lorsqu'un patient se met à envisager le changement – c'est-à-dire quand son intérêt à l'égard du changement passe de faible à marqué – son degré d'ambivalence augmente. De fait, c'est lors de l'étape de l'intention que l'ambivalence du patient est à son comble. Le patient dira peut-être des choses du style : « J'aimerais changer, mais je ne sais pas si je suis vraiment motivé » ou « Je sais ce que j'ai à faire, mais je ne suis pas sûr de savoir comment faire ».
- ·Les patients ambivalents sont ceux qui ont le plus besoin de counseling.
Que faire quand on est confronté à une résistance au changement
Si un patient dit des choses comme « Oui, mais… », s'il se met en colère, s'il ne se présente pas à ses rendez-vous ou s'il les oublie, c'est signe qu'il éprouve de la réticence envers le changement – que ce soit parce qu'il n'est pas prêt à changer ou parce qu'il se sent bousculé. Dans ce cas :
- ·Mettez la pédale douce ou faites marche arrière.
Exemple : « J'ai l'impression que vous vous vous sentez un peu bousculé. Vous n'êtes peut-être pas prêt à réduire votre utilisation de la substance pour le moment. »
- ·Renforcez la motivation du patient en faisant appel aux sentiments qu'il a lui-même exprimés au sujet de ses valeurs et objectifs personnels.
Exemple : « Je sais : c'est un changement qui doit vous paraître considérable, mais je me souviens que vous m'avez dit que la meilleure chose que vous puissiez faire pour vous-même serait de mettre fin à cette habitude. »
- ·Fournissez de l'information dans le but de susciter une réaction de la part du patient.
Exemple : « Savez-vous que si vous cessez de fumer maintenant, il vous sera beaucoup plus facile de respirer d'ici un an ou deux ? »
Ce type d'information est souvent plus bien efficace que celui qui a pour but d'effrayer le patient ou d'illustrer votre position (p. ex., « Si vous n'arrêtez pas de fumer, vous n'allez pas faire de vieux os. »).
Stratégies de counseling pour renforcer la motivation à l'égard du changement
·Faites preuve d'empathie : Quel que soit le type de counseling, l'écoute empathique est essentielle pour gagner la confiance du patient et ouvrir la voie au changement.
- ·Amenez le patient à prendre conscience de ses contradictions : D'ordinaire, ce qui pousse les gens au changement, c'est la prise de conscience des contradictions entre un certain comportement et les objectifs, les convictions et les valeurs qui occupent une place centrale dans leur vie. En attirant l'attention du patient sur ces incompatibilités et en l'amenant à aborder la question du changement, vous pouvez l'aider à surmonter son ambivalence ou à la minimiser.
- ·En cas de résistance, évitez la confrontation : Évitez d'argumenter en faveur du changement ou de vous buter de quelque autre façon, car cela a pour effet de saper la motivation.
- ·Aidez le patient à prendre confiance en lui : Les petites victoires du patient et le soutien moral qui lui est accordé renforcent sa confiance en lui-même. Après tout, c'est au patient que revient la décision de changer de comportement et de l'appliquer.
- ·Faites preuve de curiosité : Pour amorcer une conversation propre à renforcer la motivation d'un patient, on peut lui poser toutes sortes de questions ; mais ce qui compte avant tout est que le prestataire de soins primaires fasse preuve d'une réelle curiosité à propos de ce qui motive le patient à changer de comportement et de ce qui a l'effet inverse.
Conseils sur la manière de renforcer la motivation à l'égard du changement
- ·Remettez au patient un exemplaire du bilan décisionnel (PDF) [add link to document – « Bilan décisionnel »] pour l'aider à réfléchir aux avantages et aux inconvénients du changement envisagé (p. ex., « Quels sont les avantages et les inconvénients de continuer à fumer ? »).
- ·Posez-lui des questions ouvertes qui orienteront la conversation vers le changement (p. ex., « Qu'est-ce qui vous inquiète au sujet de votre consommation de drogue actuelle ? »).
- ·Posez-lui des questions appelant des réponses chiffrées pour déterminer son degré de motivation et concevoir des objectifs limités (p. ex., « Qu'est-ce qu'il faudrait pour que votre confiance dans votre capacité à vous arrêter de fumer passe de 2 à 3 sur une échelle de 10 ? »).
- ·Reformulez ce qu'a dit le patient à propos des objectifs limités et allez un peu plus loin (p. ex., « Vous dites qu'un jour, vous aimeriez modifier votre consommation d'alcool. Y a-t-il quelque chose que vous pussiez faire dès à présent pour vous engager sur cette voie ? »).
- Donnez au patient un élément d'information information pour voir quelle est sa réaction (p. ex., « Un grand nombre de gens qui prennent plus de deux ou trois verres par jour souffrent d'hypertension. Que pensez-vous de vos habitudes de consommation ? »).
- Faites marche arrière en cas de résistance (p. ex., « Il semble que vous ne soyez pas vraiment intéressé à obtenir de l'aide pour le moment »).
- Les techniques ci-dessus ont pour but de vous aider à amenuiser progressivement l'ambivalence du patient jusqu'à ce qu'il se sente prêt à effectuer un changement conforme à des objectifs définis. Vous pourrez alors lui poser la question suivante : « Il semblerait que vous soyez prêt à arrêter de consommer [nom de la substance]. Aimeriez-vous qu'on commence à en parler ? ». Si le patient vous dit qu'il est disposé à essayer de mettre fin à son utilisation de la substance, vous pourrez passer à l'étape suivante, à savoir la négociation d'un plan de changement.
Pour vous renseigner plus avant sur la façon d'accroître la motivation des patients, lisez Health Behavior Change: A Guide for Practitioners (Rollnick et coll., 1999).
Les modules de la trousse à outils sur la toxicomanie en milieu de soins primaires sont :