- Augmenter rapidement la dose. L'accoutumance aux analgésiques se fait lentement. Dans bien des cas, les patients dont la douleur est stable peuvent maintenir leur dose d'opioïdes pendant des mois, voire des années (Ballantyne, 2006). En revanche, l'accoutumance aux substances psychoactives se produit en quelques jours ou quelques semaines. Dans ce cas, le patient ayant une dépendance doit hausser la dose pour ressentir les mêmes effets. Un grand nombre de patients ayant une dépendance aux opioïdes prennent des doses beaucoup plus élevées que celles requises pour soulager leurs douleurs (p. ex., une dose plus forte que l'équivalent de 200 mg de morphine par jour).
- Prendre des doses plus élevées que celles prescrites et manquer souvent de médicaments. Les patients qui ont une dépendance aux opioïdes ont tendance à prendre des doses plus élevées pour ressentir les effets psychoactifs souhaités. Dans bien des cas, lorsqu'ils manquent de médicaments, ils demandent une consultation d'urgence à leur médecin, se mettent en colère et entrent en conflit avec quelqu'un.
- Se procurer des opioïdes auprès d'autres sources (p. ex., dans la rue, auprès de plusieurs médecins ou au service des urgences d'un hôpital).
- Modifier, voler ou vendre des ordonnances.
- Mastiquer, s'injecter ou renifler des médicaments administrés par voie orale afin que le système nerveux central les absorbe plus rapidement, ce qui intensifie leurs effets euphoriques.
Le patient pourrait avoir une dépendance s'il : - a eu une réaction vive et inconstante après avoir pris des analgésiques. En général, la réaction des patients aux analgésiques est modérée et graduelle. Les patients ayant une dépendance peuvent dire : « C'est la seule chose qui fonctionne » ou « Je ne peux m'en passer », tout en prétendant que « La dose suffit à peine et le soulagement qu'elle me procure est minime ».
- dit qu'il a ou déjà eu une dépendance aux opioïdes ou à d'autres drogues et médicaments.
- dit qu'il se sent seul ou qu'il a de la difficulté à fonctionner.
- dit qu'il éprouve des symptômes de sevrage à la fin de la période de dosage (p. ex., myalgie, dysphorie, anxiété, intensification de la douleur).
- a des antécédents de dépression ou d'anxiété (particulièrement un trouble de stress post-traumatique).
- dit que son humeur s'est améliorée dès qu'il a commencé à prendre des opioïdes et qu'il éprouve un manque quand il n'en prend pas.
Comment puis-je déterminer si un patient a une dépendance aux opioïdes ? Évaluez le patient en procédant comme suit : - Demandez-lui s'il a déjà pris de l'alcool et d'autres drogues.
- Demandez au patient quels sont ses antécédents psychiatriques. La dépendance aux opioïdes peut causer une dépression et de l'anxiété en raison de l'effet organique direct de ces médicaments. Cette situation est courante chez les patients qui prennent des doses élevées de sédatifs comme les opioïdes, l'alcool et les benzodiazépines. La dépendance aux opioïdes peut causer une dépression en perturbant les relations sociales, la situation financière et d'autres aspects de la vie personnelle du patient. Il n'est pas rare qu'un patient ayant une dépendance aux opioïdes dise : « Si je ne reçois pas de traitement, je vais me suicider ».
- Demandez au patient de décrire son fonctionnement (p. ex., avec sa famille et au travail) avant de lui prescrire des opioïdes et après les lui avoir prescrits.
- Demandez-lui si les opioïdes lui causent des problèmes (p. ex., conflits, difficultés au travail).
- Déterminez si le patient prend les opioïdes comme il se doit ou s'il en prend de grandes quantités d'un coup.
- Déterminez l'efficacité analgésique de la dose actuelle.
- Étudiez les effets psychiques de la dose actuelle. (Les patients qui montrent des signes de dépendance estiment que les opioïdes atténuent leur anxiété, les calment, les apaisent et leur donnent de l'énergie.)
- Demandez au patient s'il éprouve des symptômes de sevrage :
- Pendant combien de temps le patient a-t-il pu s'abstenir de prendre des opioïdes ?
- A-t-il connu des moments difficiles pendant cette période ?
- Le patient a-t-il déjà pris des opioïdes pour éviter le sevrage ou atténuer les symptômes de sevrage ?
- Déterminez si le patient éprouve de la douleur attribuable au sevrage, particulièrement s'il :
- dit que la douleur est beaucoup plus forte lorsque les effets des opioïdes s'estompent ;
- souffre de myalgie diffuse (douleur généralisée) ;
- souffre de dysphorie ;
- éprouve des douleurs intenses et des symptômes de sevrage le matin et que ceux-ci s'atténuent rapidement après avoir pris l'opioïde.
- Soyez à l'affût des comportements aberrants liés aux drogues (p. ex., obtention d'opioïdes auprès de plusieurs médecins, de membres de la famille, d'amis ou dans la rue).
- Effectuez un examen physique du patient.
Si possible, consultez la conjointe ou le conjoint du patient ou un membre de sa famille immédiate, car ces personnes peuvent être les premières à remarquer des problèmes liés à l'usage d'opioïdes. Ne consultez pas la conjointe ou le conjoint si vous craignez que le patient ne soit victime de violence conjugale. Vous devez d'abord et avant tout respecter la vie privée du patient. Par conséquent, ne consultez la conjointe ou le conjoint ou un membre de la famille immédiate qu'en présence du patient (consentement implicite) ou obtenez son consentement par écrit. De quels autres renseignements ai-je besoin pour effectuer l'évaluation ? - Injection d'opioïdes : Vérifiez si le patient a des marques de seringue dans la fosse antécubitale ou sur les mains, les pieds ou le cou.
- Intoxication par opioïdes : Déterminez si les pupilles du patient sont anormalement petites, s'il s'endort, s'il est somnolent ou s'il transpire.
- Sevrage des opioïdes : Déterminez si le patient est agité, s'il a la chair de poule, s'il transpire, s'il a des bruits intestinaux plus forts, si ses yeux larmoient, s'il renifle, si ses pupilles sont dilatées, si ses muscles sont sensibles et s'il souffre de tachycardie et d'hypertension.
- Troubles hépatiques : Déterminez si le patient souffre de jaunisse, d'hépatosplénomégalie ou d'ascite ou s'il montre des signes de maladie chronique du foie.
- Analyses en laboratoire :
- Un niveau élevé de GPT et d'anticorps de l'hépatite C indique que le patient s'est injecté ou s'injecte des drogues.
- Dans bien des cas, un niveau élevé de GGT et un volume globulaire moyen élevé indiquent que le patient consomme de grandes quantités d'alcool.
- Dépistage de drogue dans l'urine.
- Anciens dossiers médicaux : Si le patient y consent, vous pouvez téléphoner à son médecin précédent pour obtenir des renseignements cliniques importants. Cela est particulièrement utile si ce médecin connaît le patient depuis longtemps.
Devrais-je faire un dépistage de drogue dans l'urine ? - Envisagez de faire régulièrement un dépistage de drogue dans l'urine (DDU) pour les patients ayant un risque élevé de dépendance aux opioïdes et ceux ayant des comportements aberrants liés aux drogues, car il peut fournir des données cliniques importantes. Par exemple, l'absence d'un médicament prescrit dans l'urine pourrait indiquer que le patient s'est débarrassé des opioïdes ou qu'il ne les prend pas comme il se doit. La présence d'une drogue illégale dans l'urine pourrait indiquer que le patient a une dépendance. En outre, la présence d'un opioïde non prescrit pourrait indiquer que le patient s'est procuré des opioïdes auprès de plusieurs médecins ou dans la rue.
- N'oubliez pas que le DDU n'est qu'une analyse effectuée en laboratoire. Le diagnostic et le traitement doivent être déterminés après avoir évalué le patient avec soin. Ne vous fiez pas uniquement au résultat du DDU. En effet, l'absence d'un opioïde prescrit ne signifie pas nécessairement que le patient s'en est débarrassé et peut être attribuable à un résultat faussement négatif, au fait que le patient a manqué de médicament quelques jours avant l'analyse ou au fait qu'il ne prend pas toujours le médicament comme il se doit.
- Avant d'effectuer le DDU, demandez au patient des renseignements précis sur les médicaments qu'il a pris au cours des heures et des jours précédents (p. ex., a-t-il pris l'opioïde le matin ?). Obtenez toujours le consentement du patient pour le DDU et assurez-vous que cette analyse fait partie intégrante de l'entente de participation au traitement.
Les deux principaux types de DDU sont l'épreuve immunoenzymatique et la chromatographie. Les tableaux suivants comparent ces deux méthodes. Comparaison de l'épreuve immunoenzymatique et de la chromatographie pour détecter la présence d'opioïdes | Épreuve immuno-enzymatique | Chromatographie | Ne fait pas la distinction entre les divers opioïdes | Fait la distinction entre la codéine, la morphine, l'oxycodone, l'hydrocodone, l'hydromorphone et l'héroïne (monoacétylmorphine) | Résultats faussement positifs : pavot bleu, antibiotiques quinolones | Ne réagit pas en présence de pavot bleu | Dans bien des cas, ne détecte pas les opioïdes semi-synthétiques et synthétiques (p. ex., l'oxycodone, la méthadone, le fentanyl) | Plus précis pour détecter les opioïdes semi-synthétiques et synthétiques | Ce tableau a été reproduit avec la permission des auteurs de la Canadian Guideline for Safe and Effective Use of Opioids for Chronic Non-Cancer Pain. © 2010 Groupe national de travail sur l'utilisation des opioïdes (GNTUO). | Délai de détection de l'épreuve immunoenzymatique et de la chromatographie | Drogue | Nombre de jours pendant lequel la drogue peut être détectée | | Épreuve immuno-enzymatique | Chromatographie | Benzodiazépines (usage régulier) | 20 jours et plus pour l'usage régulier du diazépam Ne fait pas la distinction entre les diverses benzodiazépines Dans bien des cas, ne détecte pas les benzodiazépines à action moyenne comme le clonazépam | En général, n'est pas utilisée pour détecter les benzodiazépines | Cannabis | 20 + | N'est pas utilisée pour détecter le cannabis | Cocaïne + métabolite | 3–7 | 1–2 | Codéine | 2–5 | 1–2 (codéine métabolisée en morphine) | Hydrocodone | 2–5 | 1–2 | Hydromorphone | 2–5 | 1–2 | Mépéridine | 1 (souvent non détectée) | 1 | Morphine | 2–5 | 1–2 : La morphine peut être métabolisée en hydromorphone | Oxycodone | Souvent non détectée | 1–2 | Source : Adapté de Brands, 1998. Ce tableau a été reproduit avec la permission des auteurs de la Canadian Guideline for Safe and Effective Use of Opioids for Chronic Non-Cancer Pain © 2010 Groupe national de travail sur l'utilisation des opioïdes (GNTUO). | |