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Sevrage des opioïdes
Caractéristiques cliniques du sevrage des opioïdes
Le sevrage des opioïdes s'accompagne d'une constellation de symptômes, et on observe généralement la présence simultanée de plusieurs des symptômes suivants :
- symptômes psychiques : notamment dysphorie, état de manque, insomnies et fatigue ;
- symptômes pseudo-grippaux : notamment myalgie, frissons, nausées et diarrhée.
Signes objectifs de sevrage
Il n'y a généralement pas de signes objectifs de sevrage à moins d'un arrêt brutal de doses élevées d'héroïne, d'hydromorphone administrée par voie parentérale ou d'autres opioïdes puissants. Dans ce cas, les signes de sevrage sont les suivants :
- agitation, nervosité ;
- larmoiements, bâillements, écoulement nasal ;
- vomissements ;
- sudation, horripilation (chair de poule) ;
- tachycardie, hypertension.
Les symptômes se manifestent dans les 6 à 24 heures suivant la dernière prise, atteignent leur paroxysme dans les 2 à 3 jours et se dissipent largement en 5 à 10 jours. Néanmoins, l'état de manque, les insomnies et la dysphorie peuvent persister pendant des semaines ou même des mois.
Risques associés au sevrage des opioïdes
Contrairement au sevrage alcoolique, le sevrage des opioïdes n'entraîne pas de convulsions, d'arythmies, de délire ou de psychose. Il comporte cependant d'autres risques importants :
- Chez les femmes enceintes, le sevrage risque de provoquer une fausse-couche (premier trimestre) ou un accouchement prématuré (troisième trimestre).
- À la naissance, les enfants dont la mère présente une dépendance physique aux opioïdes connaissent parfois une période de sevrage prolongée nécessitant un traitement à la morphine pour prévenir les convulsions et autres complications.
- Durant le sevrage, le risque de suicide est élevé, en particulier si le sevrage est brutal, non traité et imposé par la force (p. ex., sevrage en milieu carcéral).
- En raison d'une perte de tolérance, les patients qui sont passés par une période de sevrage risquent fortement la surdose s'ils rechutent après une ou deux semaines d'abstinence et reprennent la même dose qu'avant.
Traitement du sevrage opioïde
Quand on traite une toxicomanie envers les opioïdes, il est essentiel de débuter par un traitement de sevrage. Si les patients présentant une forte dépendance physique continuent souvent à prendre des doses élevées d'opioïdes, c'est avant tout pour éviter les symptômes de sevrage. Néanmoins, le traitement du sevrage est rarement suffisant à lui seul pour le rétablissement à long terme. La gestion du sevrage doit donc presque toujours être associée à un traitement de maintien par agoniste des opioïdes et à un traitement en règle de la toxicomanie.
Chez les femmes enceintes dépendantes aux opioïdes, il convient d'éviter le sevrage. Pour elles, le traitement le plus sûr est le traitement d'entretien à long terme à la méthadone ou à la buprénorphine sous la supervision d'un centre spécialisé (p. ex., le programme T-CUP du St. Joseph's Health Centre de Toronto ou du Fir Square de Vancouver.
Si une femme enceinte tient absolument à arrêter progressivement l'usage qu'elle fait des opioïdes, le moment où l'arrêt présente le moins de risque est le deuxième trimestre de la grossesse.
Prescription de clonidine pour la prise en charge du sevrage
Il semblerait que la clonidine agisse par inhibition centrale de l'hyper-réactivité noradrénergique qui se produit lors du sevrage opioïde.
Lorsque vous prescrivez de la clonidine pour la gestion du sevrage, prenez les précautions suivantes :
- Faites preuve de prudence en présence de cardiopathie préexistente et avec les patients traités par antihypertenseurs.
- Prévenez les patients du risque de vertiges et de syncopes, et dites-leur d'éviter de conduire ou de prendre des bains tant qu'ils ne sauront pas comment ils tolèrent la dose prescrite.
- Avertissez les patients des risques de l'usage excessif de clonidine. Prévenez-les que s'ils en prennent pendant plus de deux semaines consécutives et qu'ils souhaitent s'arrêter, ils auront besoin de le faire progressivement, car un arrêt brutal peut conduire à un rebond hypertensif.
Protocole pour la détermination de la dose de clonidine | |
Si la TA est inférieure à 90/60 : | Prescrivez 0,1 mg 3-4 x / j p.r.n. durant 5 à 7 jours. Prévenez les patients des symptômes posturaux et de la somnolence qui peuvent affecter la conduite de véhicules et dites-leur bien de ne pas prendre de douches prolongées ni de bains (la dilatation des veines peut entraîner de l'hypotension). |
Si la dose de 0,1 mg est inefficace : | Portez la dose à 0,2 mg 3-4 x / j, p.r.n. Surveillez l'hypotension. |
Traitement continu | Pour les patients ambulatoires, la clonidine peut être prescrite pour une durée de 5 à 7 jours. |
Source : Kahan, M. et L. Wilson. Managing Alcohol, Tobacco and Other Drug Problems: A Pocket Guide for Physicians and Nurses. Toronto : Centre de toxicomanie et de santé mentale, 2002. |
Prescription de buprénorphine-naloxone pour la prise en charge du sevrage
L'association buprénorphine-naloxone (Suboxone), un agoniste partiel des récepteurs opioïdes μ, est plus efficace que la clonidine et d'autres traitements pour le soulagement des symptômes de sevrage, et elle favorise l'adhésion au traitement (Amato et coll., 2004 ; Blondell et coll., 2007 ; Brigham et coll., 2007 ; Caldiero et coll., 2006 ; Gowing et coll., 2002).
Sachez que l'emploi de l'association buprénorphine-naloxone pour la prise en charge du sevrage opioïde est non conforme au Canada (cette association n'est approuvée que pour le traitement de maintien).
Protocole pour la prise en charge du sevrage opioïde avec l'association buprénorphine-naloxone chez les patients hospitalisés et les patients ambulatoires |
Commencez par prescrire un comprimé sublingual (à prendre sous supervision) quand le patient éprouve des symptômes d'intensité modérée (score de 13 ou plus à l'échelle COWS [Clinical Opioid Withdrawal Scale]. Si le patient n'a pas débuté le sevrage, l'association buprénorphine-naloxone pourrait déclencher des symptômes de sevrage, car elle déplace les autres opioïdes de leurs récepteurs. (Voir aussi le paragraphe intitulé « Déclenchement de symptômes de sevrage », ci-dessous) La première dose se situe entre 2 et 4 mg. Vous pouvez donner au patient une autre dose de 2 à 4 mg à prendre chez lui plus tard dans la journée s'il continue à éprouver des symptômes de sevrage. Avertissez le patient qu'il est dangereux de donner cette dose à des tiers ou de la prendre après avoir pris de l'alcool, des benzodiazépines ou d'autres opioïdes. Augmentez la dose de 2 à 4 mg par jour jusqu'à un maximum de 16 mg sur 3 jours, l'objectif étant de soulager les symptômes de sevrage jusqu'à un maximum de 24 heures. Réduisez la dose de 2 mg tous les 1 à 3 jours (patients hospitalisés) ou de 2 mg par semaine (patients ambulatoires). Médicaments symptomatiques : lopéramide (Imodium), diphénoxylate (Lomotil), dimenhydrinate (Gravol), ibuprofène, trazodone. Précautions à prendre : La prise en charge pharmacologique des symptômes de sevrage a de bien meilleures chances de réussir quand elle est associée à un traitement psychosocial de la toxicomanie. Prévenez les patients du risque de surdose s'ils rechutent et reprennent la dose qu'ils prenaient auparavant. D'après Kahan, M., A. Srivastava, A. Ordean et S. Cirone. Buprenorphine: New treatment of opioid addiction in primary care. Canadian Family Physician, no 57 (3), 2011, p. 281-289. |
Déclenchement de symptômes de sevrage
La buprénorphine se liant plus étroitement que les autres opioïdes aux récepteurs opioïdes μ, si le patient prend de la buprénorphine avant d'avoir évacué les autres opioïdes de son organisme, la buprénorphine déplacera les autres opioïdes de leurs récepteurs, déclenchant ainsi des symptômes de sevrage.
Pour éviter le déclenchement de symptômes de sevrage, le patient ne doit prendre de buprénorphine qu'après que le médecin a acquis la certitude raisonnable que les autres opioïdes ont été évacués de l'organisme. En pratique, cela signifie deux choses :
- il s'est écoulé au moins 12 heures depuis la dernière prise, par le patient, d'un opioïde à libération immédiate, 24 heures depuis la dernière prise d'un opioïde à libération contrôlée ou trois jours depuis la prise de la dernière dose de méthadone ;
- le patient éprouve des symptômes de sevrage modérés (c.-à-d., des symptômes de sevrage prononcés, pas des symptômes légers ou vagues). Pour déterminer si le patient éprouve des symptômes modérés, on peut effectuer une anamnèse et un examen clinique ou employer une échelle normalisée, telle la COWS (Clinical Opioid Withdrawal Scale) [link to https://www.drugabuse.gov/sites/default/files/files/ClinicalOpiateWithdrawalScale.pdf]. Un score de 13 ou plus à l'échelle COWS indique que le patient éprouve des symptômes de sevrage et qu'on peut lui administrer sans danger une première dose de buprénorphine.
Les modules de la trousse à outils sur la toxicomanie en milieu de soins primaires sont :